Le projet de loi relatif aux responsabilités locales prévoit dans plusieurs de ses dispositions la possibilité pour les collectivités locales et les services de l’Etat de mettre en œuvre une dématérialisation de certaines procédures.
Venant compléter l’acte II de la décentralisation amorcé au mois de mars 2003, le ministre de l’Intérieur a récemment déposé sur le bureau du Président du Sénat le projet de loi relatif aux responsabilités locales [senat.fr]. Fort de 126 articles, ce texte réforme profondément le droit des collectivités territoriales en modifiant notamment les compétences des services déconcentrés et décentralisés ou en introduisant progressivement les nouvelles technologies dans le mode de fonctionnement de ces organismes.
Cette introduction s’opère sous deux formes : la possibilité offerte aux collectivités locales de procéder à la convocation de leurs organes délibérants par voie électronique et la volonté de développer la dématérialisation du contrôle de légalité.
Dématérialisation des convocations des organes délibérants
Aux termes de l’article L. 2121-10 du Code général des collectivités territoriales, la convocation du conseil municipal est « faite par le maire. Elle indique les questions portées à l’ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée aux conseillers municipaux par écrit et à domicile ». Signée par le maire, cette convocation doit être adressée trois jours francs avant la réunion dans les communes de moins de 3.500 habitants et cinq jours francs dans les autres communes. La jurisprudence considère que l’envoi par écrit et à domicile de la convocation constitue une formalité substantielle.
Avec l’introduction progressive des nouvelles technologies, le gouvernement a souhaité prévoir la dématérialisation de cette procédure. Dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales, une modification du CGCT a lieu permettant une convocation par écrit « sous quelque forme que ce soit ». Cette réforme vise les communes, les conseils généraux et les conseils régionaux. En pratique, l’envoi des ordres du jour et des documents d’information relatifs aux affaires mises en délibéré (notes explicatives de synthèse ou rapports préalables) pourra être effectué valablement quelle que soit la forme utilisée, sur support papier ou par transmission numérique.
Néanmoins, le texte souhaite maintenir l’obligation de délivrer les documents au domicile des élus afin de leur assurer l’information nécessaire avant les séances. Une simple mise à disposition dans les locaux administratifs de la commune, du département ou de la région obligerait, en effet, les conseillers à se déplacer, ce qui constituerait une régression de leur droit à l’information préalable sur les affaires qui leur sont soumises
Néanmoins, et même avec la modification législative, l’envoi des convocations ne pourra être possible par l’intermédiaire d’un simple courrier électronique. En effet, il sera nécessaire, pour la collectivité, d’avoir recours à la signature électronique afin de faire signer numériquement la convocation par le maire, garantir l’intégrité de l’écrit et le lien entre l’acte signé et son auteur. D’autre part, et compte tenu des délais imposés par la loi, un horodatage du courrier électronique devra avoir lieu, nécessitant de recourir à un tel prestataire.
Enfin, concernant la condition de l’envoi au domicile de l’élu, deux situations doivent être distinguées. D’une part, si le conseiller municipal possède une adresse de courrier électronique personnelle et la consulte à son domicile, la convocation sera considérée comme ayant été reçue au domicile de ce dernier. D’autre part, si le conseiller municipal consulte cette adresse sur un autre lieu qu’à son domicile, la condition est-elle remplie ? A cette interrogation, Anne Cantero, dans une ouvrage portant sur les actes unilatéraux des communes dans le contexte électronique, estime « dès lors que le maire a connaissance de l’adresse électronique du membre de l’assemblée délibérante à convoquer, l’envoi de la convocation à sa messagerie peut être assimilé à l’envoi de celle-ci au domicile de l’intéressé ». Une dernière interrogation demeure néanmoins vis-à-vis de l’utilisation d’une adresse de courrier électronique professionnelle pour l’envoi au « domicile » du conseiller municipal, général ou régional.
Dématérialisation du contrôle de légalité
Afin d’être exécutoire, les actes des collectivités territoriales sont soumis à une obligation de transmission auprès du service du contrôle de légalité du représentant de l’Etat dans le département (préfet). Voulant intégrer les nouvelles technologies dans ces procédures, le projet de loi prévoit d’habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires pour « permettre l’utilisation des technologies de l’information et adapter en conséquence les modalités juridiques de ce contrôle ».
En pratique, le Gouvernement a précisé qu’afin de permettre au préfet de se recentrer sur des enjeux stratégiques, la liste des actes transmissibles pourrait être réduite, en matière de police administrative (circulation et stationnement), urbanisme (certificats d’urbanisme et de conformité) et de fonction publique en ne conservant que les actes relatifs au début et à la fin de carrière, et les sanctions disciplinaires les plus graves.
D’autre part, et dans un contexte de modernisation de l’État, les préfectures mettraient en œuvre une télétransmission des actes permettant une amélioration de l’organisation des services en offrant aux préfectures un instrument de gestion et de suivi. Par ailleurs, précisent les motifs de la loi, « la généralisation des échanges électroniques doit pouvoir bénéficier aux collectivités territoriales dans leur relation avec l’État, au moment où elles utilisent de plus en plus de documents numérisés ».